Ma lettre à Myriam El Khomri, Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social
- 20.1.16
- Par Elodie Jauneau
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Toujours préoccupée du sort qui va être réservé aux demandeurs d'emploi dans les prochaines semaines, j'ai franchi un cap que je ne m'étais jusqu'alors jamais permis, écrire à une Ministre, à l'ancienne (la méthode hein, pas la Ministre), par voie postale.
Yerres, le 20 janvier 2016
Madame la Ministre,
Il y a longtemps que je nourris l’envie d’écrire cette lettre et je vous suis par avance très reconnaissante pour l’intérêt que vous y porterez.
Je me permets de vous contacter suite au billet que j’ai publié sur mon blog en réponse aux propos de Monsieur le Secrétaire d’Etat Jean-Marie Le Guen sur la nécessité, selon lui, de moduler la durée et le montant des allocations chômage.
Vous trouverez ici le lien vers mon billet.
Volontairement acerbe et familier, ce billet a, contre toute attente, reçu une réponse de Monsieur Le Guen. Une réponse que j’estime très incomplète comme je le lui ai précisé.
Vous trouverez ici le lien vers la réponse de Monsieur Le Guen.
Si je décide de vous écrire aujourd’hui, c’est parce que j’ai le sentiment que tous-tes les Ministres du Travail qui se succèdent font l’impasse sur un sujet fondamental dans le cadre de la lutte contre le chômage : les dysfonctionnements généralisés de Pôle Emploi.
Entre 2011 et 2013, j’ai moi-même été au chômage pendant 19 mois. Fort heureusement, j’ai retrouvé un emploi (précaire) 2 mois seulement avant la fin de mes droits.
Pendant ces 19 mois, je n’ai eu que trois rendez-vous avec ma Conseillère Pôle Emploi. Je ne saurais expliquer pourquoi. Sans doute est-ce parce que, vu mon profil, elle m’avait clairement avisée, lors du premier rendez-vous, qu’il ne fallait pas que je "compte sur Pôle Emploi pour retrouver un emploi". Ou peut-être est-ce parce que nous manquons cruellement de conseillers, qu’ils sont débordés et que leurs moyens ne leur permettent pas d’assurer un suivi humain et régulier.
Pendant ces 19 mois, je n’ai reçu que des offres d’emploi en totale inadéquation avec le profil "candidate" que je m’étais créé sur le site :
Si je me tourne vers vous aujourd’hui, Madame la Ministre, c’est parce que j’ai la triste impression qu’aucun de nos responsables politiques ne mesure les réalités de la vie quotidienne d’un demandeur d’emploi.
Si je suis parfaitement consciente qu’il existe des abus, nous savons tous qu’ils ne sont pas majoritaires. Si je veux bien admettre que certains demandeurs d’emploi profitent et abusent d’allocations fort élevées sur un temps relativement long, nous savons également que cela n’en concerne qu’une infime minorité.
Nous savons aussi que la moyenne du montant des allocations chômage versées se situe autour d’un SMIC, limité à 24 mois et que plus de 65% des demandeurs-ses d’emploi qui retrouvent un travail le font sans l’aide de Pôle Emploi : par leurs réseaux, leurs amis, leurs proches…etc.
Par ailleurs, Pôle Emploi est devenu un organisme déshumanisé dont les offres sont sélectionnées par des algorithmes, dont le numéro de téléphone 39 49 est souvent saturé et, quand il ne l’est pas, la probabilité de parler à un interlocuteur qui connaît votre dossier est tout simplement proche de zéro.
Être au chômage, Madame la Ministre, ce n’est pas seulement « profiter » paisiblement d’allocations autour de 1000 € par mois. C’est recevoir des offres d’emploi déprimantes. C’est rechercher inlassablement un interlocuteur disponible et capable d’accéder à l’historique de votre dossier qu’il soit face à vous ou au bout du fil. C’est envoyer des centaines de candidatures spontanées dont seulement un quart d’entre elles, dans le meilleur des cas, recevront une réponse. C’est « faire jouer son réseau », quand on a la chance d’en avoir un, pour espérer retrouver le chemin de l’emploi. C’est avoir honte aussi. C’est sentir la gêne et voir la mine contrite de celles et ceux à qui vous dites que vous êtes au chômage. C’est voir la fin du mois arriver le 5. C’est être privé de toute source de revenus pendant deux, trois ou quatre mois après la fin de son contrat, lorsqu’on a travaillé pour la Fonction Publique. C’est se sentir déclassé-e, à la marge, hors du circuit.
C’est avoir le sentiment que celles et ceux, qui ont fait de la lutte contre le chômage une priorité, sont totalement déconnecté-e-s des réalités de la vie.
Madame la Ministre, j’ai peu d’espoir quant à l’issue que vous donnerez à ma requête, mais je me permets néanmoins de la formuler. Je vous serais très reconnaissante de bien vouloir m’accorder un rendez-vous afin que je vous expose plus en détail la réalité du quotidien quand on est au chômage et que l’on n’a pour seuls interlocuteurs que des serveurs vocaux, des conseillers « décentralisés », et pour seules offres d’emploi que des fiches de postes sélectionnées par des robots.
Je vous remercie chaleureusement pour l’intérêt que vous porterez à ma demande et, dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’expression de ma haute considération.
Je me permets de vous contacter suite au billet que j’ai publié sur mon blog en réponse aux propos de Monsieur le Secrétaire d’Etat Jean-Marie Le Guen sur la nécessité, selon lui, de moduler la durée et le montant des allocations chômage.
Vous trouverez ici le lien vers mon billet.
Volontairement acerbe et familier, ce billet a, contre toute attente, reçu une réponse de Monsieur Le Guen. Une réponse que j’estime très incomplète comme je le lui ai précisé.
Vous trouverez ici le lien vers la réponse de Monsieur Le Guen.
Si je décide de vous écrire aujourd’hui, c’est parce que j’ai le sentiment que tous-tes les Ministres du Travail qui se succèdent font l’impasse sur un sujet fondamental dans le cadre de la lutte contre le chômage : les dysfonctionnements généralisés de Pôle Emploi.
Entre 2011 et 2013, j’ai moi-même été au chômage pendant 19 mois. Fort heureusement, j’ai retrouvé un emploi (précaire) 2 mois seulement avant la fin de mes droits.
Pendant ces 19 mois, je n’ai eu que trois rendez-vous avec ma Conseillère Pôle Emploi. Je ne saurais expliquer pourquoi. Sans doute est-ce parce que, vu mon profil, elle m’avait clairement avisée, lors du premier rendez-vous, qu’il ne fallait pas que je "compte sur Pôle Emploi pour retrouver un emploi". Ou peut-être est-ce parce que nous manquons cruellement de conseillers, qu’ils sont débordés et que leurs moyens ne leur permettent pas d’assurer un suivi humain et régulier.
Pendant ces 19 mois, je n’ai reçu que des offres d’emploi en totale inadéquation avec le profil "candidate" que je m’étais créé sur le site :
- Bac + 8
- Plus de 30 ans
- Chargée d’études en sciences humaines
- Chargée de recherche en sciences sociales
- Journaliste
- Chargée de communication
- Community manager
- hôtesse de charme sur internet avec une webcam à domicile,
- assistante sociale dans l’Armée de l’air,
- conductrice de bus,
- rabbin,
- ou encore testeuse de jeux vidéo.
Si je me tourne vers vous aujourd’hui, Madame la Ministre, c’est parce que j’ai la triste impression qu’aucun de nos responsables politiques ne mesure les réalités de la vie quotidienne d’un demandeur d’emploi.
Si je suis parfaitement consciente qu’il existe des abus, nous savons tous qu’ils ne sont pas majoritaires. Si je veux bien admettre que certains demandeurs d’emploi profitent et abusent d’allocations fort élevées sur un temps relativement long, nous savons également que cela n’en concerne qu’une infime minorité.
Nous savons aussi que la moyenne du montant des allocations chômage versées se situe autour d’un SMIC, limité à 24 mois et que plus de 65% des demandeurs-ses d’emploi qui retrouvent un travail le font sans l’aide de Pôle Emploi : par leurs réseaux, leurs amis, leurs proches…etc.
Par ailleurs, Pôle Emploi est devenu un organisme déshumanisé dont les offres sont sélectionnées par des algorithmes, dont le numéro de téléphone 39 49 est souvent saturé et, quand il ne l’est pas, la probabilité de parler à un interlocuteur qui connaît votre dossier est tout simplement proche de zéro.
Être au chômage, Madame la Ministre, ce n’est pas seulement « profiter » paisiblement d’allocations autour de 1000 € par mois. C’est recevoir des offres d’emploi déprimantes. C’est rechercher inlassablement un interlocuteur disponible et capable d’accéder à l’historique de votre dossier qu’il soit face à vous ou au bout du fil. C’est envoyer des centaines de candidatures spontanées dont seulement un quart d’entre elles, dans le meilleur des cas, recevront une réponse. C’est « faire jouer son réseau », quand on a la chance d’en avoir un, pour espérer retrouver le chemin de l’emploi. C’est avoir honte aussi. C’est sentir la gêne et voir la mine contrite de celles et ceux à qui vous dites que vous êtes au chômage. C’est voir la fin du mois arriver le 5. C’est être privé de toute source de revenus pendant deux, trois ou quatre mois après la fin de son contrat, lorsqu’on a travaillé pour la Fonction Publique. C’est se sentir déclassé-e, à la marge, hors du circuit.
C’est avoir le sentiment que celles et ceux, qui ont fait de la lutte contre le chômage une priorité, sont totalement déconnecté-e-s des réalités de la vie.
Madame la Ministre, j’ai peu d’espoir quant à l’issue que vous donnerez à ma requête, mais je me permets néanmoins de la formuler. Je vous serais très reconnaissante de bien vouloir m’accorder un rendez-vous afin que je vous expose plus en détail la réalité du quotidien quand on est au chômage et que l’on n’a pour seuls interlocuteurs que des serveurs vocaux, des conseillers « décentralisés », et pour seules offres d’emploi que des fiches de postes sélectionnées par des robots.
Je vous remercie chaleureusement pour l’intérêt que vous porterez à ma demande et, dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’expression de ma haute considération.
Elodie JAUNEAU